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François Lespes, La cuisine des monastères

Depuis sept ans, KTO diffuse chaque mois une émission culinaire, La cuisine des monastères. Une émission conçue et réalisée par François Lespes. A l’occasion du tournage de quatre épisodes début décembre dans notre cuisine de l’abbaye d’Echourgnac, il s’est confié sur sa vision de la cuisine des moines et moniales.


François Lespes, comment est née cette émission ? Il y a 7-8 ans je regardais beaucoup les émissions de cuisine. C’était le début de l’engouement pour ces émissions à la télévision. En les regardant, je me suis dit que les chrétiens avaient des choses à dire dans ce domaine. Nous sommes quand même la religion de l’incarnation. Les repas dans la Bible, dans les Evangiles, c’est central dans la vie du Christ.


J’ai réfléchi à comment aborder, comment donner une parole chrétienne sur cette question de la cuisine, de l’alimentation, parce qu’à travers elle on touche aussi aux saisons, à la Création. C’est comme ça qu’est née La cuisine des monastères. Et puis, en faisant découvrir la vie monastique, c’est aussi un peu de l’évangélisation par la cuisine.


Pierre Blanchandin, cadreur, et François Lespes réalisateur, autour de soeur Elise-Mariette
Pierre Blanchandin, chef opérateur, et François Lespes, réalisateur, autour de soeur Elise-Mariette

Qu’est-ce qui caractérise la cuisine monastique ? Evidemment une certaine simplicité, une certaine sobriété, et en même temps une recherche du goût, d’une qualité aussi bien nutritive que gustative. Mais toujours dans la simplicité et la sobriété.


En élargissant un peu, il y a évidemment toute la question du souci de ne rien perdre, de ne rien jeter, d’utiliser tous les produits … J’ai ainsi pas mal de recettes avec par exemple du pain rassis, des légumes un peu fatigués. C’est une dimension à la fois écologique et économique.


Durant le tournage, vous partagez la vie des moines et moniales qui vous accueillent pour la faire découvrir durant l’émission. Qu’est-ce qui vous marque dans cette vie monastique ? La joie ! C’est vraiment frappant quand on va dans les monastères, en particulier les monastères féminins, mais pas seulement. C’est la joie qui se dégage de cette vie, même si elle n’est pas toujours facile, qu’elle a ses contraintes et ses difficultés. Mais il y a une espèce de joie profonde qui est vraiment éclatante.



Pourquoi venir tourner à Echourgnac ? Echourgnac est mon seizième monastère et c’est mon premier monastère cistercien trappiste. J’étais extrêmement heureux de découvrir cette famille monastique.


Je crois que c’est sur les conseils d’un frère de Mondaye, en Normandie, que j’ai contacté l’abbaye d’Echourgnac. Le fait que l’abbaye produise du fromage m’a interpelé, il y avait déjà un lien avec la nourriture, la gastronomie, donc je trouvais ça intéressant.


Que retenez-vous de la découverte de cette famille cistércienne trappiste, qu’est-ce qui la caractérise à vos yeux ? Ce qui m’a frappé c’est le fait de tout vivre en commun. Il y a vraiment cet accent qui est mis par rapport à d’autres monastères. En particulier mon précédent tournage était dans un Carmel, et le Carmel c’est l’inverse, c’est-à-dire que les religieuses essaient d’être le plus possible en solitude, même dans les travaux…


Alors que là c’est vraiment tout vivre en commun, y compris les temps d’études au scriptorium. C’est très frappant, je n’avais jamais vu ça ailleurs : étudier en silence ensemble au milieu de la nuit. Je trouve ça très beau.


Le fait d’avoir gardé l’office nocturne à 4h00 du matin aussi, je ne l’ai pas vu souvent.


Temps d'étude au scriptorium
Temps d'étude au scriptorium - Photo Norbert Jung

Que retenez-vous de votre semaine à Echourgnac ? Une grande simplicité dans les relations. C’est rarement compliqué entre les moines, mais là peut-être encore plus que d’autres fois.


J’ai été marqué aussi par toute la rénovation qui a été faite au monastère. Toujours dans la simplicité, mais avec en même temps énormément de goût. Même les choses modernes sont très belles et s’harmonisent très bien avec l’ancien.


Après il y a aussi tout le travail de la fromagerie. C’est assez beau de voir les sœurs qui se mettent à collaborer avec un couple de laïcs pour continuer à faire vivre leurs produits. C’est une belle initiative !


Les produits de l’abbaye justement, qu’en avez-vous pensé ? Le fromage aux noix est vraiment un délice ! Et ça donne plein d’idées de recettes. D’ailleurs Sœur Annabel a proposé une recette avec le fromage de l’abbaye et ça c’est vraiment sympa ! Les monastères me proposent rarement des recettes avec leurs produits.


Et puis j’ai goûté les pâtes de fruit et je les ai trouvées particulièrement délicieuses, pourtant je n’aime pas trop ça. Mais là celle que l’on a goutée au pamplemousse, c’était vraiment un régal.


Un mot sur les recettes proposées pour l’émission par la communauté d’Echourgnac ? Outre la recette à base du fromage de l’abbaye, nous avons eu tout un menu végétarien (diffusion à venir, fin mars). C’était intéressant, c’est le deuxième monastère qui nous en propose.


On sent que cette dimension écologique de sobriété est quelque chose qui travaille dans les monastères. Elle se traduit ici par un menu végétarien, mais elle peut aussi se traduire par des menus de produits recyclés. C’est original et intéressant.


Soeur Elise-Mariette élabore un plat végétarien
Soeur Elise-Mariette élabore un plat végétarien

Justement, pensez-vous que les monastères ont quelque chose à apporter sur ces questions aujourd’hui ? Les moines ont toujours abordés le rapport à la nature et à la nourriture avec un souci du respect de la Création. Et il y a un renouveau aujourd’hui depuis, ils nous le disent tous, depuis la lecture de Laudato Si (Pape François). Il y a ainsi de plus en plus de monastères qui s’intéressent et qui se mettent à la permaculture, avec une réflexion aussi sur l’utilisation de produits en circuit court.


Je leur ai parlé du fait que dans la règle de Saint Benoit il est écrit que les moines s’abstiendront de consommer la viande des quadrupèdes. C’est écrit dans la règle et pourtant il n’y a pas beaucoup de monastères qui respecte cela aujourd’hui. Pourquoi ?

Les sœurs m’ont expliqué le sens de cette règle, la sobriété. La réflexion est de savoir qu’est-ce qui aujourd’hui est le plus sobre ? Commander du poisson qui sera livré de l’autre bout de la France à un prix extrêmement élevé, ou manger la viande du gibier qui a été tué dans la forêt d’à côté et qui est donnée par le chasseur ? Pour respecter cette règle de Saint Benoît, la communauté mange plutôt le gibier qui lui est offert plutôt que le poisson qui viendra de l’autre bout de la France.


Je pense donc que les monastères ont quelque chose à dire car ils ont toujours vécu cette tradition de respect de la création et de la sobriété. Et en même temps ils ne sont pas soumis à une idéologie végan ou autre, ils vont au fond des choses en mangeant finalement ce qui est le plus proche et ce qu’on leur donne.


Soeur Elise-Mariette en plein tournage
Soeur Elise-Mariette en plein tournage

Pour conclure, on mange mieux où, chez les moines ou les moniales ? Vous voulez déclarer la guerre ? (rires) Clairement on mange quand même mieux chez les moniales ! Non, on mange très bien chez les uns et chez les autres, mais c’est vrai que chez les moniales c’est peut-être un tout petit peu plus gourmand, et peut-être avec une présentation plus soignée. L’esprit féminin ajoute une petite touche en plus qui rend les choses encore meilleures.



Les produits de l'abbaye évoqués dans cet article




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